Les expériences en logement des personnes en début de parcours d’utilisation de services psychiatriques : spécificités et enjeux développementaux
Laurence Roy
Université McGill, Montréal
Amal Abdel Baki
Université de Montréal
Anne Crocker
Université de Montréal
Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel, Montréal
Luigi De Benedictis
Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Éric Latimer
Université McGill, Montréal
Esther Thibeault
Institut universitaire en santé mentale Douglas, Montréal
Félix-Antoine Bérubé
Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Marc-André Roy
Université Laval, Québec
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Résumé
Objectifs L’accès à un logement stable, abordable et sécuritaire constitue un déterminant important de la santé et de l’intégration dans la communauté des personnes ayant un trouble mental. Les études sur la satisfaction, la stabilité et les préférences résidentielles des personnes ayant un trouble mental ont surtout porté sur les expériences de celles ayant de longs parcours des services psychiatriques. Les personnes en début de parcours d’utilisation des services psychiatriques, en particulier les jeunes, peuvent présenter des besoins distincts en matière de logement. La présente étude visait à explorer les expériences en logement des nouveaux utilisateurs de services psychiatriques et à identifier les facilitateurs et les obstacles à leur stabilité résidentielle.
Méthodes Le projet AMONT est une étude de cohorte longitudinale à devis mixte portant sur les trajectoires résidentielles au cours des 36 mois suivant un premier contact avec les services de psychiatrie au Québec. Le volet qualitatif consiste en une étude qualitative descriptive. Quatorze personnes en début de parcours d’utilisation des services psychiatriques ont été rencontrées lors d’entrevues individuelles semi-structurées.
Résultats Les résultats de l’analyse thématique révèlent comment l’émergence du trouble mental et les premiers contacts avec les services s’accompagnent de transformations dans la sphère résidentielle et, pour plusieurs, d’instabilité résidentielle. L’instabilité peut survenir en continuité avec des parcours de vie déjà difficiles ou en raison des ruptures occasionnées par le trouble mental émergent. Le soutien social de la part des proches apparaît dans les entrevues comme le principal facteur de protection lié à la stabilité résidentielle. La satisfaction résidentielle est quant à elle associée à des besoins souvent en opposition, le logement répondant ou non à des besoins d’intimité, de sécurité, de socialisation, de protection, de réalisation des activités quotidiennes et d’intégration dans la communauté. Enfin, les enjeux développementaux propres aux jeunes, en début de parcours dans les services psychiatriques, influencent la stabilité et la satisfaction résidentielles. Le logement devient alors également le reflet et le lieu d’expérimentation d’une identité adulte en construction et en consolidation.
Conclusion Les résultats soulignent l’importance d’adopter une logique de prévention de l’itinérance chez les personnes vivant un premier épisode de trouble mental, en particulier les jeunes présentant des parcours d’adversité précoce. Plusieurs approches existantes pourraient être adoptées et consolidées dans une telle logique : concertation intersectorielle entre les acteurs impliqués dans les trajectoires des personnes ayant un trouble mental émergent, approches familiales en intervention précoce, soutien par les pairs, repérage des multiples formes d’instabilité résidentielle. L’adaptation des pratiques aux enjeux développementaux propres aux jeunes adultes semble un élément clé de la prévention de l’itinérance chez cette population.
Mots-clés : intervention précoce, itinérance, satisfaction résidentielle, stabilité résidentielle, trouble mental
Abstract
Objectives Access to stable, safe, and affordable housing is an important determinant of health and community integration among people living with mental illness. Previous studies on housing stability, housing satisfaction and residential preferences among people living with mental illness have primarily been conducted among those with extensive service use experiences. First-time mental health service users, and youth in particular, are likely to present with distinct housing needs. The current study aimed to explore the housing experiences of new mental health service users, as well as the perceived obstacles and facilitators to their residential stability.
Methods Projet AMONT is a longitudinal mixed-methods cohort study on the residential trajectories of service users in the 36 months after their initial contact with psychiatric services. The qualitative component consisted in a qualitative descriptive study. Semi-structured individual interviews were conducted with fourteen individuals at the beginning of their service use trajectory.
Findings The thematic analysis uncovered how the emergence of mental illness and initial contacts with psychiatric services are associated with transformations in the area of housing and, for many, with housing instability. This instability might occur in continuity with adverse early life trajectories, or through the disruption caused by the emergence of mental illness. Informal social support emerged as the main protective factor against housing instability. Housing satisfaction was associated with multiple and sometimes conflicting needs regarding privacy, safety, social interactions, response to basic needs, performance of activities of daily living, and community integration. The specific developmental issues of youth at the beginning of their service use trajectories influence housing stability and satisfaction. Their housing then becomes a reflection of and laboratory for identity exploration and consolidation.
Conclusion The findings highlight the importance of adopting a homelessness prevention lens among people living with a first episode of mental illness, particularly youth with adverse early life trajectories. Many existing approaches could be implemented or strengthened: cross-sector partnerships with all actors present in the trajectories of people with emerging mental illness; family approaches in early intervention, peer support, and screening for unstable housing situations. Adapting practices to the specific developmental characteristics of youth seem to be a key for homelessness prevention for this population.
Keywords: early intervention, homelessness, housing satisfaction, housing Stability, mental illness
Auteurs : Laurence Roy, Amal Abdel Baki, Anne Crocker, Luigi De Benedictis, Éric Latimer, Esther Thibeault, Félix-Antoine Bérubé et Marc-André Roy
Titre : Les expériences en logement des personnes en début de parcours d’utilisation de services psychiatriques : spécificités et enjeux développementaux
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 49, numéro 1, printemps 2024 p. 123-144
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1112529ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1112529ar